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Le 30 avril, fête de Notre-Dame. d'Afrique, le Père François Cominardi nous a quittés, à Bry sur Marne où il était soigné d'une récidive de cancer. Ce jour marquait aussi la fin d'une longue présence des Pères Blancs à Aîn Sefra. Est-ce un signe de ce que la Vierge Marie va continuer en ce lieu le travail de tant de générations de Pères?
François était une riche nature dans son originalité, un missionnaire d'un dévouement sans limite, un confrère enjoué et passionné, qui a marqué par sa personnalité tous ceux qui l'ont connu.
Né en 1929 à La Cluse, dans le Doubs (France), il était l'aîné de deux frères et d'une sœur. Dès l'âge de 5 ans, il a la peine de perdre son père. C'est sa mère, profondément chrétienne, qui a le mérite de les élever, non sans peine et sans courage, car la famille n'est pas aisée. François fait une bonne partie de ses études au petit séminaire de Reray, à Aubigny, dans l'Allier. Après qu'il eût obtenu son baccalauréat de philo, sa mère aurait bien voulu le garder pour lui venir en aide, mais François, depuis son plus jeune âge, désirait se consacrer à la prêtrise et à la vie missionnaire. C'est de grand cœur qu'elle donne son consentement au départ de son fils, comme elle le fit encore pour son autre enfant, Jean-Christophe, qui deviendra franciscain et auquel François était très attaché. Celui-ci va donc se former à Kerlois de 1949 à 1951, au noviciat de Maison Carrée en 1952, et au scolasticat de Thibar de 1953 à 1955. Il est ordonné prêtre à Carthage en 1956.
Pendant cette période de formation, ses professeurs notent une bonne intelligence, aidée par une excellente mémoire, une imagination fertile, ainsi qu'une grande facilité pour décrire une petite scène. Assez sensible, très serviable et adroit au plan pratique, il était apprécié et aimé de tous ses confrères. On note cependant une certaine apathie de caractère qui laisse quelque inquiétude à ses formateurs, de même qu'un petit côté rude et bourru avec ceux qui travaillent avec lui. Mais tous signalent ses efforts et son esprit d'obéissance face aux remarques qui lui étaient faites. Et de fait, quel changement avec celui qu'on a connu par la suite!
Durant son scolasticat, on note également la facilité avec laquelle il s'est mis à parler le dialectal, grâce à l'ardeur de son travail et à sa bonne mémoire, ainsi qu'à son don de contact avec le monde arabe auquel il veut se consacrer; on sent déjà en lui toutes les qualités pour une mission en Afrique du Nord.
Après son ordination, il est envoyé au Liban, comme professeur au petit séminaire de Rayak mais il exprime son désir de venir en Algérie. C'est là que va s'écouler presque toute sa vie. Après 3 ans d'études d'arabe à la Manouba, en Tunisie, il est nommé successivement à El Oued, Laghouat et surtout Aïn Sefra où il assure la direction du Centre professionnel et lui redonne toute sa valeur. On reconnaît alors en lui un homme de forte volonté, un travailleur acharné, capable de se passionner sur un sujet donné, organisé et méticuleux dans ses recherches qu'il classe sur de multiples fiches et qui lui font aborder l'un après l'autre toutes sortes de problèmes. Il sait d'ailleurs les présenter au public avec beaucoup d'intérêt par des conférences et des projections de grande qualité.
Il devient connu surtout par ses études sur les gravures rupestres du Sahara et il obtient un diplôme à l'Institut de paléontologie humaine de Paris pour son mémoire sur les stations rupestres de l'Atlas saharien algérien, à Gouiret bent Saloul. Il peut ainsi par ses observations retrouver le mode de vie et l'origine des populations de cette période remontant à plus de 9000 ans. Il s'intéresse successivement avec le même enthousiasme communicatif à d'autres sujets comme la restauration de la mosquée du Ksar Chellala datant du XV° siècle, avec le soutien d'une association lancée par lui et les jeunes de ce ksar. Il s'intéresse également au problème de la désertification du Sahara et préconise avec force la plantation d'un arbre capable d'enrayer l'ensablement. Il collectionne et classe sur fiches tous les articles de revues et de journaux concernant la condition de la femme en Algérie, laissant ainsi une précieuse documentation. À d'autres moments, son intérêt le dirige vers l'histoire de personnages comme le Cheikh Bouamama, ou Isabelle Eberhard, cette femme de lettres bien connue décédée à Aïn Sefra.
Les dernières années de sa vie, il les passe seul à Aïn Sefra, dans des conditions d'austérité qui auraient peut-être rendue difficile la vie de communauté, mais très aidé par une famille voisine. Ses confrères les plus proches sont à plus de 500 km, à Ghardaïa. Il aime rejoindre de temps à autre les Petits Frères de Jésus, à El Abiod Sidi Cheikh, moins éloignés, et auxquels il peut assurer la messe. Chez lui, il a son lieu de prière, une tente de nomade (photo ci-dessus) qu'il a installée dans une pièce d'entrée et où il passe de longs moments auprès du Seigneur
"Seigneur, tu m'as semé sur cette terre algérienne. C'est là par ta sainte présence que tu me demandes de témoigner de ton amour. Donne-moi, comme toi, d'aller jusqu'au bout de l'amour, celui qui donne sa vie pour ses amis." François C.
À cette période, François se dévoue auprès des malades de l'hôpital de Aïn Sefra. Il réussit à former un petit groupe de volontaires pour apporter du thé aux malades démunis, ou, en période de ramadan, la chorba (plat algérien) préparée par une trentaine de familles. C'est là qu'il découvre la valeur de la compassion pour tous ceux qui souffrent. Il en fera part dans un écrit qui nous est resté. C'est là aussi que, de plus en plus attiré par la 'lancinante question de l'islam', selon l'expression du trappiste Christian de Chergé, François devient sensible à la richesse intérieure de certaines des malades, comme cette dame qui, à l'âge de 7 ou 8 ans, avait reçu une illumination sur la transcendance de Dieu et qui en vivait toujours. On se rappelle surtout la jeune Soumia, atteinte d'un cancer, qu'il a accompagnée jusqu'à sa mort, et qui a laissé des poèmes admirables sur sa soumission à Dieu.
En 2002, François est obligé de rentrer en France où il est opéré d'un cancer. Sur ses instances pourtant, il revient à Aïn Sefra et reprend son activité auprès des malades. Mais deux ans après, on l'oblige à revenir d'urgence à Paris suite à une récidive dont il n'a pas conscience. Il a eu du mal à accepter ce retour. Malgré les soins, son état s'aggrave, et c'est à Bry qu'il termine sa belle vie de missionnaire en terre d'islam. La messe des funérailles est célébrée par son frère Jean-Christophe, au milieu de tous les confrères de Bry.
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