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Aïn Séfra L’institution Lavigerie


Texte Réactualisé Le 4 Décembre 2009
( Edition originale Le 15 Août 2007 )


Aïn Séfra
L’institution Lavigerie: Octobre 1951- Juin 1959



00a-Entrée de l'Institution coté Rue Dalleret:
au fond à gauche: classes 3ième, 5iéme , économat et portail d'entrée
A Droite: Chapelle surmontant la salle de cinéma et autres spéctacles
Au premier plan: derrière le petit bassin central cour d'entrée à l'école et au ciné





Sommaire
I. Le Prologue
II. C’est quoi l’Institution ?
III. Nos Jeux
IV. Les Espiègleries
V. Les Duels
VI. Les Éclaireurs Sahariens
VII. Que sont devenus ces valeureux soldats de la paix ?
VIII. L’Épilogue

I. Prologue
En ce jour 15 Août, fête de l’Assomption qui -selon la religion chrétienne- célèbre l’Élévation de Marie mère de Sidna Aïssa vers le Ciel,
Permettez moi chers compatriotes Séfraouis de vous raconter l'Institution Lavigerie de Ain Séfra et de la faire vivre comme un conte que l'on raconte le soir autour du Kanoun à nos enfants et aux générations actuelles de notre Immortelle Aïn Séfra.

Je tenterai de faire revivre tous ceux et celles qui l’ont animée, du plus jeune au plus vieux, tout au long de ces années 1950.

Natif de Ain Séfra, j'ai fait ma scolarité du CE1 à la troisième chez les pères blancs à l'Institution Lavigerie soit d'Octobre 1951 à Juin 1959.
Un peu plus de Huit années durant et ce dès l’age de mes 9 ans !…

C'est un peu pour moi un retour aux sources, un pèlerinage qui me remplit de joie et de bonheur de renouer par l'esprit avec ceux qui m'ont tant appris et de partager avec vous le souvenir d‘un temps inoubliable car toujours présent dans le cœur de tous, sous le ciel bleu sans pareil, de notre Aïn Séfra.

II. C’est quoi l’Institution ?

L'édification de l‘Institution Lavigerie débuta vers la fin des années 1920 grâce en particulier à un don de la famille du Père de Charrette, don raconte t-on, provenant de la vente d'un de ses châteaux.

On y accueillait aussi bien des chrétiens, des juifs que des musulmans dans le plus grand respect de l'islam j'en témoigne et du respect de l’ enseignement républicain.
Dans le cadre de cet enseignement, l’institution nous préparait aux épreuves du Certificat d’études primaires et du Brevet Élémentaire du Premier Cycle (le fameux BEPC).

J'ai tout de même appris beaucoup de choses à fréquenter nos frères chrétiens car curieux de nature j’essayais de comprendre l’Évangile et ce qui le différenciait du Coran sachant que Jésus Christ (Aïssa Ibn Meriem) était reconnu dans les deux religions.
Et j'ai même fini par apprendre par cœur le « Notre Père » et « Salut Marie » que les chrétiens récitaient en début de classe.

L'institution Lavigerie, était dirigée par le révérend père supérieur Monseigneur Mercier et le Père Le Lay en qualité de directeur auquel succéda le Père Deville en 1960.
Elle s’étendait sur un très vaste domaine comprenant petit bois planté de tamaris et
d’ eucalyptus, terrains de sport et de foot, piscine, jardin potager et quelques arbres fruitiers.
Jouxtant les salles de classe, la chapelle surmontait le fameux cinéma où j'ai découvert le non moins fameux "Mines du Roi Salomon" avec Stewart Granger et Déborah Kerr peu de temps après sa sortie le 1er Octobre 1951.


00b1. Affiche du Film « les Mines du Roi Salomon » sorti en scéance le 1er Octobre 1951






Ce cinéma servait aussi de salle de théâtre pour les multiples pièces qu’élèves et maîtres interprétions au plus grand plaisir des parents invités à venir voir les comédiens en herbe que nous étions…. et nous applaudir.
Les séances publiques se déroulaient en particulier en fin de trimestre et en fin d’année couronnant la fameuse Distribution des Prix organisée dans la salle en présence de tous les parents, professeurs et notables de la ville.
C’était le père Lelay qui officiait.
Il était très sensible aux applaudissements accueillant les meilleurs élèves sur le Podium à ses côtés.

En plus du primaire et du secondaire premier cycle ( il y eut un deuxième cycle en 1960),
les pères avaient monté un centre de formation professionnelle de mécanique, électricité et menuiserie qui préparait aux différents CAP et Brevets de techniciens.
Ce centre devint l’enfant chéri du Père Cominardi dès son arrivée à Aïn Séfra.

Il y avait aussi un immense dortoir et un réfectoire pour accueillir des Internes dont certains venaient du Nord de l’Algérie, de France, du Maghreb ( Le Général Marocain Oufkir y usa ses fonds de culottes vers 1934) et même du Proche Orient.

Parmi ces internes quelques « sauvageons », dirions nous aujourd’hui, venus se frotter à la discipline de fer des pères.

A coté de l'institution, et perché sur le Haut du " QSAR" d'Ain Séfra il y avait les Sœurs Blanches qui avaient une activité plutôt tournée vers les familles et la petite enfance: Soins, visites aux familles, éducation: enseignement général préparant au certificat d‘études primaires, cours de couture, tapisserie (art maghrébin), broderie, hygiène, santé...

Pour meubler les mois de vacances, et pour beaucoup d'entre nous, échapper un peu à la Medersa de Si Abderrahmane El Kandsi, les pères organisaient des cours de vacances.

Nos parents nous y envoyaient volontiers tant l'enseignement à l’école de la République leur paraissait primordial et tant l‘autorité morale et spirituelle des Pères Blancs s‘imposait naturellement.
Nous avions droit à la fin des cours à une séance de piscine surveillée par un père.
Et je tiens à dire que je ne les remercierai jamais assez de ces après-midi de joie qu’ils nous accordaient par les temps caniculaires d’été alors qu’ils auraient pu très bien aller se rafraîchir sur les bords de Loire ou dans leur Bretagne natale.

00b2. Scéance de Piscine






En fin de trimestre, le Père Deville,le Père Alliaume, le Père Bergantz allaient tour à tour parcourir les rues de Séfra à la rencontre de nos parents avec en mains les bulletins scolaires du trimestre écoulé.
Comme ils maîtrisaient tous la langue Arabe et pour certains d’entre eux le berbère, les échanges ne présentaient aucun problème surtout face à certains parents qui maîtrisaient mal le français.
Ils profitaient de cette occasion, autour d’un verre de thé et d’une assiettée de Beghrir, pour inciter nos parents à plus de vigilance dans nos études et n ‘hésitaient pas à faire part de leur inquiétude pour les indisciplinés impénitents.
Il faut dire qu’il y avait et surtout parmi les Internes quelques têtes brûlées que seules les sévérités du Père Lelay et du Père Bergantz pouvaient ramener à la raison.

Mais les visites des pères ne se limitaient aux parents de leurs élèves.
Bien souvent ils allaient rendre visite aux malades, aux nécessiteux, aux plus démunis avec toujours quelques subsistances qui souvent suivaient leur visite et des mots chargés d’affection et de Rahma.
Cette action a été amplifiée et poursuivi pendant de longues années par feu le Père Cominardi.



00c-Troupe des Éclaireurs Sahariens quittant l'Institution
pour un défilé en ville






III. Nos Jeux

La sévérité légendaire mais très affirmée des Pères Blancs n’empêchait pas nos retrouvailles entre élèves dans la joie autour de nos jeux dans la cours de récréation.
Nous nous y adonnions à des jeux selon la saison.
il y avait la saison des noyaux, la saison des billes, la saison de la toupie etc...
les noyaux c'était à l'époque du mechmach (l'abricot: mi mai juin environ).
Il y avait plusieurs façons de jouer au billes que nous appelions aussi "nibli" tiré probablement du mot français billes: il y avait le pot, la prison, le même jeu que les noyaux.
Au pot, on fait avancer la bille en la tenant au bout des doigts et en lui donnant un coup avec l'index pour heurter et faire entrer la bille de l'adversaire en prison ou faire entrer la bille dans le pot.

A la prison le but était de faire entrer la bille de l’adversaire dans un cercle ou prison alors que l’adversaire devait l’en sortir en heurtant la bille prisonnière avec une bille projectile.

Il y avait aussi le jeu du cerceau mais ce jeu était réservé pour la rue.
Pour faire avancer le cerceau on utilisait une tige en fer qu'on incurvait vers le bas en U pour faire avancer le cerceau.
Le cerceau était fait avec des câbles sortis d'un pneu de voiture ou bien carrément avec une roue de vélo vidée de ses rayons.

La toupie : Que l’on appelait aussi Zrambote.
On commence par remplacer le clou livré avec la toupie par un gros clou qu‘on allait chercher chez le Forgeron 3Ammi Kaddour vers l‘Oued ou bien l‘armurier Benkacimi Rue Taghit.
Il faut préciser que le clou doit être bien arrondi au bout pour éviter les sautillements (Harrat) et avoir une rotation douce (çof) tout en étant rapide et de longue durée.


01a- Cour de récréation un jour d'hiver sous la neige





Un jour dans les années 80, je suis allé à une fête foraine dans un village de Montagne dans les Alpes.
J'y ai trouvé des toupies comme chez nous.
J’ai fait une démonstration aux villageois après quelques essais pour me remettre dans le bain.
Personne n'en revenait de ce qu'on pouvait faire avec une toupie.
Ils étaient tous là à m'assaillir pour leur apprendre le maniement du Zrambote.

Comme tous méditerranéens qui se respectent, nous nous adonnions au commerce de billes, de noyaux d'abricots et parfois en troc: une bille en agate contre 10 billes en ciment.
Il nous arrivait aussi de gager des objets et même quelques dourous ou rials car nous jouions parfois « pour de vrai » aussi bien au Zrambote qu’aux billes.

Dans le petit Bois de l’Institution que nous appelions aussi El ’Arich à cause des plantations d’arbres, nous jouions souvent aux cow-boys et aux Indiens.
Pour les dialogues, eh oui Indiens et Cow-boys se parlaient, nous avons eu l’idée de puiser dans nos revues de Buck John mais surtout de Kit Carson car grand trappeur fréquentant les Indiens en tout cas plus que d‘autres héros de l‘Ouest Américain.
Mais souvent on se heurtait au refus net par les uns ou les autres de jouer un rôle peu valorisant.
Et il fallait toute l’instance des deux « chefs » pour faire accepter le rôle.
En tout cas, nous n’avons jamais réussi à faire jouer le rôle de Squaw.

Les batailles à coups de « flèches » tirées par des arcs montés avec une branche et un bout de ficelle et de pétard tirés par des pistolets de jeux étaient émaillés de cris des Indiens « Ton Scalp ornera ma ceinture » et des cow-boys « Attrape ça sale Comanche ».
Dans certains cas, pour prendre le fort âprement défendu par de valeureux cow-boy, les Braves partaient à l’assaut avec une tige en guise de Tomahawk ce qui provoquait inévitablement un corps à corps des plus musclés.
Et certains, pris dans leur ferveur du jeu ,y allaient parfois un peu fort et il fallait toute l’énergie des « chefs » des deux cotés pour éviter que le jeu ne dégénère en vraie bataille rangée.

On ne peut pas non plus passer sous silence les équipes de foot et de basket de l’Institution.
Il y avait trois équipes de foot: les seniors, les juniors et les minimes.
Les équipes étaient dirigées et entraînées par Mr Mataix , et les pères Deville et Bergantz.
Parmi les joueurs de l’équipe de l’Institution il y avait notamment le Gardien Guermadi passé plus tard à la sélection de la ville de Aïn Séfra à l’agilité et souplesse de félin, Redouane Chikhaoui, Alla Boutkhil, Mouffok, José El Wers capitaine de l‘équipe senior, Mataix bien sûr, et bien d’autres non moins experts de la « science footeuse ».
Les Pères Bergantz et Deville étaient souvent de la partie et ne semblaient nullement gênés dans leurs Gandouras.

Le terrain de l’Institution accueillait aussi bien les équipes de l’Institution que d’autres équipes locales et des villes environnantes: Mechéria, El Bayadh, Bechar en des compétitions qui rivalisaient avec celles organisées sur le terrain de la Redoute avec la fameuse équipe de l’OMAS ou se distinguaient José et « l’Anglais ».
Le public fort nombreux ne boudait pas les rencontres dominicales et même les séances d’entraînement du Jeudi.


01b. Equipe de foot de l'Institution





IV. Les espiègleries

Il y avait aussi d’autres jeux qui relevaient plus de l’espièglerie.
L’un des jeux les plus prisés dans le genre était le concours de pipi.
C’était à qui ferait pipi tantôt le plus loin possible, tantôt le plus haut.
A titre d’anecdote, un jour, vers midi en quittant l’Institution des copains dont RC et DM n’ont rien trouvé de mieux que d’organiser le concours de pipi devant l’entrée de l’Institution coté Rue Dalleret.
Mal leur en prit car le père Lelay les surprit sur le fait.
Ils eurent droit, à une raclée des plus mémorables: à coups de ceinturon y compris pour DM malgré son handicap.

Il y avait aussi les séances de « fumette ». ...
bçahtek edkhikhna
Les cigarettes étaient des bouts de branches d’eucalyptus mais pas toujours car parfois circulaient aussi des Bastos.
Les séances de « fumette » se passaient dans le petit bois dans un coin bien camouflé du coté du local scout.
Nous nous asseyions tels des Indiens Sioux et fumions le Calumet de la Paix mais parfois nous étions trahis par des quintes de toux générales.
Il faut dire que l’eucalyptus il faut vraiment aimer.
C’était notre façon de nous sentir grands.

Un autre jeu dont j’ai été personnellement victime, en classe de maths avec Mr Joncour, consistait à glisser un camembert « bien mur » et mieux encore l’étaler dans le pupitre d’un élève.
Dès que l’élève soulevait son pupitre pour y prendre un cahier ou un crayon , il s’élevait dans la classe une odeur pestilentielle qui interrompait le professeur qui se tournait vers nous pour dire: « Il y a des toilettes dans la cour…. ».
L’élève refermait aussitôt le pupitre et attendait patiemment l’heure de la récré pour nettoyer et surtout mener son enquête.

V. Les Duels

Il y avait aussi les bagarres sous forme de duels mais toujours à la loyale.
Les vrais bagarres quant à elles se passaient hors les murs, dans l’oued ou aux abords de la Graba et mettaient aux prises les « bandes » du Fillège (Village) , du Qsar, et de Graba Sidi Blel.
Pour les duels, nous faisions cercle autour des deux duellistes et chacun soutenait son champion à coups de cris et toujours prêts à séparer les belligérants si l’un ou l’autre ne respectait pas certaines règles « de chevalerie » et d‘honneur:
Interdiction de:
Mordre l’adversaire,
Le tirer par les cheveux,
Se servir d’un bâton ou toute autre arme
Frapper des pieds….
Seuls les poings et la lutte à mains nues étaient admises.

On séparait aussi les adversaires dès qu’un « chouf » signalait l’approche d’un surveillant.
Mieux valait éviter les duels quand le Père Lelay ou le Père Bergantz était de surveillance de récréation.
Je crois bien que le surveillant Mataix fermait les yeux….
Très souvent, le duel finissait avec la cloche, les fameux « cinq » pour les 5 coups qui signalaient la fin proche de la récréation.
Parfois le duel reprenait à la sortie si aucun des deux adversaires n’admettait sa défaite.
Voilà nos jeux, tous nos jeux faits de tout et de rien mais nous étions heureux comme des Princes.


VI. Les Éclaireurs Sahariens

Mais l’un des souvenirs poignants que je garde encore, c'est mon appartenance à la formation des scouts de France d'abord puis Éclaireurs Sahariens animés à travers tout le sud algérien par les pères blancs dans les villes du sud: Ain Séfra, Ouargla ( ils étaient tous noirs), Béchar, Laghouat, El Goléa ( beaucoup de chrétiens arabes), Djelfa, El Bayadh (Geryville) , El Oued.

Toutes ces villes se retrouvaient dans des Jamborees, des camps dont deux ont été organisés sur le sol français:
En 1957 aux environs de Bagnères de Bigors où nous avons rencontré des scouts de France et plus tard en Corse.
A Ain Séfra, nous étions encadrés par le Père Diesté, puis par les Pères Bergantz et Laurent.
Notre chef de troupe était Chami Abdallah qui nous initiait au matelotage, Morse, topographie et toutes les disciplines « intellectuelles » liées au mouvement scout, les pères Deville et Bergantz se chargeant des activités physiques et artistiques.
Chami nous quitta fin 1955 pour rejoindre le maquis.
Il y avait aussi notre Intendant Marc Chataille qui nous accompagna à la tête de la patrouille des Cerfs au camp de Bou Haroun en été 1955 et avec qui nous gravîmes à marche forcée les pentes et la forêt piquée de lianes épineuses du Djebel Chenoua dès 4 heures du matin.


01c. Les Éclaireurs sahariens: Troupe de Aïn Séfra
Au premier plan: de gauche à droite:
Un Chef de Troupe (?) , Le Père Diesté , le Chef Chami Abdallah
Au fond, on peut reconnaître une partie de la patrouille des Aigles dont
Choumane et Messaouidi Moh le CP






VII. Que sont devenus ces valeureux soldats de la paix ?

J'ai connu les révérends pères suivants qui étaient tous enseignants à l'institution avec aussi des laïcs :
Le révérend père Le Lay d'origine bretonne Directeur de l'institution à une époque.
Le révérend père Tabart décédé aux environs de El Bayadh (Géryville) dans des circonstances effroyables
Le révérend père Diesté d'origine basque: notre chef scout et professeur d‘Anglais.
Le révérend père Bergantz d'origine alsacienne notre chef louveteaux puis scout.
Il était notre professeur de Dessin et d’Éducation Physique :
Ah!! la perspective à main levée qui était une véritable leçon de Géométrie plane et dans l’Espace.
Il fut aussi notre professeur de Solfège et plus généralement de musique quand il nous distribua des pipeaux mais gare aux « canards » qui nous valait un bon coup de trique sur les fesses.
Plus tard, je l’ai eu comme professeur de Français en troisième.
Je le rencontre encore à ce jour à la maison de Retraite des Pères Blancs en région parisienne à Bry sur Marne.
Il va actuellement (2009) sur sa 90ème année.
Le révérend père Alliaume qu’on appelait aussi Si Mokhtar d'origine bretonne qui était aussi notre professeur …d’Arabe et de morale ( plutôt Philosophie) aux heures de cours de catéchisme pour les chrétiens.
Le révérend père Deville originaire de Saint Etienne fut Professeur de CM2 et d’Education Physique avant de prendre en plus la Direction de l‘Institution en 1960.
Artiste consommé, homme de Lettres et d’Art, autant que l’était le Père Bergantz, Il animé et monté des pièces de théâtre aussi bien en arabe qu'en français.
Souvenez vous: On présenta dans la fameuse salle de cinéma de l'Institution, une pièce de théâtre, mise en scène très orientale avec costumes d’apparat par le Père Bergantz, avec les
dialogues du Père Deville repris dans une langue arabe "réadaptée" par le Père Alliaume ;
il s'agit de l'ouvrage de l'écrivain Ibn Al-Muqaffa : Kalilah wa Dimnah deux chacals qui donnent des leçons de morale à un prince corrompu.
Quel succès !



01d. Pièce de théatre Dimna wa Kalila
scénarisée par les pères Deville pour les Dialogues et Bergantz pour les costumes.






Le Père Deville vient de nous quitter le 17 Septembre 2009 à Marseille où il repose maintenant.
Après son retour d'Algérie, Il continua dans l'Enseignement comme professeur d’Arabe à Marseille où il vivait dans la paroisse Notre Dame du Liban dans le quartier du Prado.
Nous le rencontrions une fois par an.
Il allait sur sa 86ème année.
Le Révérend père Chotard économe de son état mais aussi professeur de dessin avait une façon bien à lui de nous punir.
Il nous tirait par les cheveux à hauteur des pattes… un vrai supplice…
Près de ses sous comme tout économe qui se respecte, Il aimait nous répéter : « Vous il vous manquera toujours 19 sous pour faire 20 sous » quand il manquait parfois un dourou ou deux pour les frais de scolarité, dourous subtilisés en chemin pour acheter des bonbons au camelot de l’Institution.
Et oui, il y avait le fameux camelot ambulant qui avait fait d’une carriole un étal pour exposer ses friandises aux yeux avides des élèves à la sortie des cours.
Il avait élu domicile à l’entrée Dalleret de l’Institution laissant son âne paître quelque part vers le terrain de foot.
Non moins terrible que le Père Chotard, il y avait aussi le fameux frère Roux (merci Kerroum pour le rappel du nom)tout vêtu de gris ou de noir qu’on appelait
« Awwawa », autrement dit l'Ogre, professeur de musique et de français en CM2, bête noire de notre ami Chenguiti.
Son nom il le devait sans doute à sa férocité quand il punissait un élève et aussi à son aspect physique plutôt ingrat.
Il assénait ses coups de trique en répétant: « Woici, Woilà » pour Voici Voilà; à moins qu’il ne dût le surnom de « Awwawa » à sa manie de vocaliser le V en W.
Son origine du département du Doubs n’est sans doute pas non plus étrangère à son WouWou.


Sont déjà retournés à Dieu :
le Père Alliaume, le 20 juin 1983, à Bry-sur-Marne, à 83 ans ;
le Père Diesté, le 26 août 1981, à Libourne, à 62 ans ;
le Père Lelay, le 21 juin 2004, à Saint Brieuc, à 93 ans ;
le Père Tabart, le 28 août 1956, à El Bayadh, à 41 ans.
Le Père Chotart économe et professeur de Dessin
Le Frère Marcel plutôt affecté avec « Mahomet » au centre professionnel, n’a pas survécu plus de six mois à son départ d’Algérie.
Je crois bien qu’il, est mort de chagrin de ne plus voir son soleil se lever sur le Djebel Mekter.
Le Père Cominardi, icône de Ain Séfra, géologue, décédé à Bry Sur Marne en région parisienne dans la nuit du 30 Avril 2005.
Le Père Laurent décédé le 5 Août 2005 à Bry sur Marne à l'age de 85 ans.
Monseigneur Gagnon décédé à El Bayadh le 1er Juin 2004
Le Père Deville décédé le 17 Septembre 2009 à Marseille à l'age de 86 ans.
Je n’oublie pas Les laïcs, tous aussi dévoués que les pères, retournés à Dieu:
Monsieur Joncour professeur de Mathématiques émérite d’envergure nationale.
Il a quitté l’Institution en 1968 et décéda en France quelques mois plus tard.

Monsieur Mataix surveillant Général et capitaine de l’équipe de Foot de l’Institution nous a quittés lui aussi.
Messieurs Coudrette et Guidet respectivement professeurs de CE2 et CM1 ainsi que Madame Ravaillé notre professeur de CE1 en 1952 nous ont certainement quittés à ce jour.
C’est avec Madame Ravaillé que nous apprîmes que "deux mille ans plus tôt «notre pays s’appelait la Gaule et ses habitants les Gaulois ».
Une toute petite anecdote au sujet de ce cours d’histoire:
Cela se passe l’année suivant mon passage chez Mme Ravaillé donc en 1953.
Je faisais réciter sa leçon d’histoire sur les Gaulois à mon ami, voisin et frère Oudda Ahmed dit plus tard « Général Caillou ».
Il s’entêtait à prononcer Pays en « PA ÏS » comme s’il y avait une h aspirée entre le A et le I.
J’avais beau insister, rien à faire: c’était toujours et encore « PA ÏS ».
C’est drôle comme certains faits d’aspect plutôt anodins peuvent marquer les mémoires.

Et je m’en souviens comme si c’était hier.
A méditer !!!!

Mr Guidet, notre professeur du CM1 avait un sens pédagogique très avancé:
Il organisa sa classe en groupes de 5 à 6 élèves.
Chaque groupe symbolisait une espèce animale.
J’étais personnellement le chef des Lièvres.
Hamayani le chef des Tigres,
Bougrine le chef des Lions.
Etc….
Les épreuves pour la classification des différentes « tribus » d’animaux étaient individuelles et concernaient toutes les matières: français et ses dérivés, arithmétique, dessin, lecture, récitation, dictée, passage « surprise » au tableau noir …
Les points acquis par un élève allait à son équipe.
Et chaque matin, on allait regarder le classement des différentes tribus affichées sur un tableau, une tête d’animal représentant chacune des équipes avec le nom du « chef ».
Cela nous incitait à travailler d’avantage et surtout à nous entraider au sein de l’équipe pour la préparation des épreuves.
Je n’ai qu’une chose à dire: Chapeau Mr Guidet…Vous étiez vraiment en avance sur votre temps car avec vous tout le monde a avancé, je dis bien tout le monde.
En classe d’Histoire, Mr Guidet nous projeta à plusieurs reprises des diapositives sur la Chanson de Roland et la guerre d’Espagne de Charlemagne contre les Sarrasins musulmans commandés par l’Émir de Cordoue Abderrahmane 1er .
On y voyait des anges volant au secours des troupes franques !!!!
Un certain trouble régnait alors parmi nous à l’évocation de ce moyen âge prélude aux guerres des Croisades qui allaient suivre.
Car les peuples que l’on décrivait parfois comme des « étrangers », nous ressemblaient étrangement et nous ressentions comme une grande tristesse dans notre imagerie d’enfants.
Nous nous défoulions alors en organisant des matchs de foot improvisés « Les Arabes contre les Français ».


02a. Classe de CM1 (Mr Guidet) année 1954-1955





02b. Cours supérieur: classe du certificat d'études primaires






02c. Classe de Troisième
Année Scolaire 1958-1959
Photo du bas: Ouvroir des Sœurs Blanches au Ksar






VIII. L’Épilogue

J'ai 67 ans et j'avais 17 ans quand j‘ai quitté l‘Institution....
L'Institution a fermé ses portes en Juin 1970.
Monsieur Pronost en était alors Directeur succédant au Révérend Père Deville.
Il décéda lui aussi quelques années plus tard en France.
La fin d’une époque…et quelle époque !!!

L’Institution a formé plusieurs générations de futurs Ingénieurs, Administrateurs, Enseignants Universitaires bref une bonne partie des élites actuelles tant algériennes que françaises.

C'est vous dire l'immense travail que les Pères Blancs ont accompli:
Ces braves, dans leurs Gandouras blanches en et parfois coiffés de chéchias rouges et qui parlaient l'arabe littéraire , dialectal, le berbère mieux que moi ne peuvent inspirer qu'admiration et profond respect.
Ils étaient d'une abnégation sans pareil.
J'ai gardé des pères blancs le sens de la fraternité, du partage, de la tolérance et une grande admiration des "enfants de Aissa ( Aissa = Jésus en arabe)" comme on appelait parfois les chrétiens

Je suis retourné en Algérie une dernière fois en 1972 au décès de mon père après huit ans d'absence.
J'ai rencontré à Séfra le Père Cominardi qui dirigeait encore le centre d'apprentissage: il était venu prendre le thé à la maison.
et je me rappelle lui avoir dit:
" Mon père regardez ce nombre d'enfants, pensez vous que l'Algérie pourra tous les nourrir..."
J'étais personnellement effaré par la natalité galopante.
C'était en 1972 et l'Algérie était indépendante depuis dix ans.
Je crois bien qu'il ne m'a pas répondu.
Je suis retourné à Séfra en Mai 2008 après 36 ans d'absence.
Les aléas de l'Histoire, mon histoire ont en décidé ainsi:
On ne survit pas à sept ans de guerre impitoyable suivies de soubressauts d'après guerre regrettables à bien des égards sans blessures. .
Mais depuis 2008, j'y retourne chaque année au mois de Mai.
Ne dit-on pas que le saumon s'en retourne à ses racines au soir de sa vie. ?

L'Institution Lavigerie des pères blancs et "les pères" resteront à jamais gravés dans les mémoires des sefraouis et de tous ceux qui y ont étudié !

IX. Quelques photos du centre professionnel et des Pères que j'ai eus comme Professeurs


04a. Centre de Formation Professionnelle: Électricité



04c. Centre de Formation Professionnelle: Mécanique



04d. Centre de Formation Professionnelle:Menuiserie
« Mahomet » à droite avec le frère Marcel



08a. Le Cuisinier de l'Institution tout à son œuvre



08b. Le Bars, responsable du Centre Professionnel va nous projeter
un film, sans doute « les Mines du Roi Salomon »



09a. Le Père Lelay: Directeur de L'institution 194?- 1960




09b. Le Père Bergantz pendant les années 50:
Professeur de Solfège, Dessin, Français ,
Grand Sportif et amateur d'Art



09c. Le Père Chotard:
Économe de l'Institution et professeur de Dessin




09d. Le Père Deville: Directeur de L'institution
1960 – 1968
Il succeda au Père Le Lay
De 1954 à son départ: il fut Professeur d'Arabe, d'Histoire-Géographie
Grand Sportif comme le Père Bergantz



09e. Le Père Diesté
Patron des Éclaireurs Sahariens et Aumônier pour les scouts chrétiens
Professeur d'Anglais


09f. Le Père Alliaume (Si Mohtar) en visite
Professeur d'Arabe Littéraire, de Morale (Philosophie)
Chargé du suivi des élèves avec le Père Deville auprès des Parents
par des visites régulières de fin de terme.



Abderrahmane « l’Institué » comme dirait Fawri
En ce jour 4 Décembre 2009 à Meylan (Isère-France).
Wa Essalamou Alaykoum


3 commentaires:

  1. j'ai été très touché par ton superbe résumé sur la fameuse "institution lavigerie".J'y ai passé 3 ans de ma jeunesse donc j'ai connu le père LELAI le père DECHARETTE,MATAIX ETC.Ton commentaire m'a tait revivre ma tendre jeunesse agé de 65 ans, je regettre ces années ou il n'y avait aucune distintion de religion .J'ai fait partie des LOUVETEAUX,et c'est dans cette fameuse piscine que j'ai appris a nager.

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  2. Le père de mon épouse Roque SAÏS né le 9 mars 1910 a fréquenté les classes primaires des Pères Blancs à AÏN SEFRA.
    Est-ce que les archives de l'école pourraient retrouver sa trace,vers les années 1920... Merci beaucoup.
    Reportage très complet et très intéressant.

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  3. Bravo aux pères blancs et aux sœurs blanches pour une école gratuite,ouverte à tous les enfants et d'une qualité irréprochable. Tout le monde en convient y compris les nationalistes algériens: dans le domaine éducatif l’œuvre de la France fut magnifique! "A son indépendance,nul pays extérieurs au monde occidental exceptés le Japon et l’Afrique du Sud ne possédait une infrastructure aussi développée que celle de l’Algérie" Bachir BEN YAHMED

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